Je suis partie en janvier dernier à Longyearbyen, la plus grande ville de l’archipel des Svalbard, archipel qui se situe près de la banquise du pôle nord.
J’y suis restée quinze jours, ou plutôt une grande nuit qui a duré deux semaines. J’y ai pris des photos et des sons tous les après-midi.
La ville est toute petite. On peut en sortir en scooter des neiges, à pied ou à chien de traîneaux, mais il faut être accompagné par quelqu’un de la ville qui sait tirer au fusil, à cause du risque d’être attaqué par un ours.
L’expérience a donc été de passer quinze jours de nuit dans une ville qui tient sut 30 km de route ; de voir cette ville et de l’écouter.
Les températures ont été très variées de -2° à -30°. Le vent modifiait la sensation du froid. Par exemple, sur le scooter des neiges, on pouvait croire qu’il faisait -50°. Avant de sortir je regardais sur le site Internet d’UNIS, l’université norvégienne implantée là bas, les températures et la puissance du vent pour savoir si je devais enfiler une polaire ou deux, le masque intégral pour le visage ou bien juste un bonnet et une écharpe. Une fois dehors, on pouvait aussi savoir s’il y avait du vent grâce à une grande cheminée d’usine, visible depuis n’importe quel point de la ville, qui libérait de la fumée blanche.
Quand on marchait, on n’avait pas froid, au contraire, les vêtements (collants, pantalon de ski, polaires, manteau, chaussettes de ski, écharpes, bonnet et gants) gardaient bien la chaleur ; avec l’effort, si on était trop couvert, on avait vite chaud. Quand je m’arrêtais pour prendre des photos ou des sons, je me refroidissais vite. C’étaient les mains qui craignaient surtout, car j’avais du mal à faire mes réglages avec les gants. Si on met son écharpe devant sa bouche pour se réchauffer, il vallait mieux ne pas l’enlever, sinon l’humidité dégagée par la respiration se gèle et l’écharpe devient toute dure et donc beaucoup moins agréable à porter !
Une fois dehors, c’était la nuit, mais on se sentait libre. L’astre du jour, c’était la lune, beaucoup plus vivante que le soleil. Elle se déplaçait vite d’un endroit à un autre du ciel. Il fallait parfois la chercher derrière une montagne ici ou là. Sa croissance et sa décroissance n’étaient pas hachées par le jour, elle était en quartier puis en demi-lune la même nuit.
La ville était toute en longueur. Au bout il y avait la mer gelée, noire, immobile. Seule sur le bord des rivages, la glace craquelée indiquait la présence des marées. De chaque coté de la ville on trouvait des montagnes pas très hautes. Sur leurs flans, on pouvait voir des vestiges des anciennes mines de charbons, pilonnes et mines abandonnées.
C’est d’ailleurs la création et l’exploitation de mines au début du 20ème siècle qui a poussé les premiers habitants à s’installer dans cet endroit.
Quand on se baladait, on pouvait croiser des rennes, pas si peureux ! Parce qu’ici on ne les embêtait pas. Avec leurs nez, ils farfouillaient dans la neige pour trouver de l’herbe à manger. Ils se déplaçaient mollement puis se reposaient. Parfois, si on pensait à lever la tête, quand le ciel était dégagé, on tombait sur des aurores boréales, traînées vertes qui se mouvaient dans le ciel. En ville, on les voyait moins à cause des éclairages. On croisait aussi des gens à pied, parfois des enfants qui rentraient de l’école, ou des mamans avec leur landau. Il y avait aussi des voitures qui roulaient assez lentement. Vers 14h, c’était l’heure de l’avion. Il arrivait avec des passagers et repartait avec d’autres. Alors, on entendait dans la ville et au loin le son des voitures qui circulaient.
A Longyearbyen, il y a une rue commerçante que l’on prend cinq minutes à remonter à pied. On y trouve des magasins de vêtements, de tourisme, des cafés, des bars, une bibliothèque, la pharmacie, la poste, le coiffeur, etc… Il y a aussi une « grande » surface : Boutiken. On y achète à manger. Toute la nourriture est importée par avion ou en bateau l’été.
Pour moi, le plus bizarre là bas était de se lever et de voir qu’il était midi et qu’il faisait nuit.
On dort beaucoup plus à Longyearbyen. Se balader dans la neige, tout emmitouflé, fatigue vite. On mange plus aussi. Les maisons sont très bien chauffées. Elles sont souvent faites en bois parce que c’est la matière la plus isolante pour une habitation.
Ce voyage fût plus qu’un voyage. Ce fût une vraie expérience. J’y ai compris que voir tous les jours le jour n’est pas acquis. Grâce à ça, maintenant, quand il fait gris, je suis contente car il fait jour et c’est déjà énorme !